Micros guitare : Wax ou anti-Wax ?

 

L’enduction par la poix ou la cire (Waxing en Anglais) est une étape de finition importante dans la réalisation d’un micro guitare. En empêchant les pièces mécaniques de vibrer, ce procédé permet de réduire, voire éliminer les risques de microphonie. Malgré cela, tous les facteurs de micros ne le pratiquent pas et quelques guitaristes préféreraient les micros bruts de décoffrage, prétextant qu’ils posséderaient plus d’harmoniques. Qu’en est-il exactement ?

 
 

Quelques clients, rares je dois l’avouer, m’ont demandé ce que je pensais du fait de ne pas “waxer” un pickup. Ils avaient lu quelque part que ce n’était pas obligatoirement une bonne chose et forcément, se posaient des questions. L’un d’entre eux m’a même expliqué qu’il avait acheté deux versions d’un modèle au même fabricant et qu’il préférait la version “brute” à celle qui était enduite de poix. Je lui ai répondu que je ne trouvais pas ça anormal. Mais que cependant je ne tirais pas forcément les mêmes conclusions que lui. Car pour moi il s’agissait d’un test faussé pour plusieurs raisons.

Micros dans un bain de poix. Notez que le bain n’est pas en ébullition mais à température contrôlée et modérée

L’art et la matière

D’abord, parce que cette phase demande une grande attention. Car si celle-ci n’est pas correctement pratiquée, vous pouvez ruiner un micro. Or ce client m’a avoué que le fabricant dont il parlait avait effectué cette enduction à contrecœur. J’en ai donc déduit que ce process n’était pas son point fort.

L’enduction d’un micro avec de la poix (ou cire), demande non pas de le badigeonner avec un pinceau, mais de le plonger dans une solution (la poix) en fusion. Les premières questions qui viennent naturellement à l’esprit sont :

  • Quel type de poix concocter ?

  • À quelle température doit-on la monter ?

  • Quel matériel utiliser ?

  • Quelle est la procédure ?

  • Et combien de temps doit s’effectuer l’opération ?

Si un des éléments n’est pas maîtrisé, ne comptez pas obtenir de bons résultats. J’en ai fait les frais à mes débuts.

Signalons au passage que Fender a utilisé cette technique jusqu’à son rachat par CBS. Tous les pickups d’avant 1965 ont donc été poissés.

 
 

L’enduction d’un micro par la cire, en empêchant les pièces mécaniques de vibrer, limite, voire élimine les risques de microphonie

 
 

Le bobinage en question

Un autre élément qui pour moi est très important, est qu’un micro qui sonne bien non poissé, mais qui perd tous ses moyens une fois qu’il l’est, pose forcément question. En admettant que l’enduction ait été bien réalisée, on peut se demander si le bobinage n’était pas un peu trop tendu et s’il ne manquait pas un peu d’air.

Le principe de l’enduction est de fixer les éléments, de remplir les poches d’air, et de sceller les pièces du micro susceptibles de vibrer à la moindre sollicitation mécanique. Au final votre micro sera moins aéré qu’avant. Aussi, même avec une enduction parfaitement réalisée il risque de perdre un peu de brillance si à la base son bobinage est déjà dense. Nous pouvons imaginer le résultat final, si en plus l’enduction est mal réalisée.

Alors comment faire si on aime le détail et la brillance, mais pas la microphonie ? Bobiner aéré, respecter un bon process de bobinage à guidage manuel et maîtriser le processus de l’enduction !

Pour plus d’informations, référez-vous à l’article : Micros Guitare, ne nous laissons pas embobiner !

 
 

Après le bain c’est le grand nettoyage. Il vaut mieux éviter tout surplus de poix qui aurait comme effet de jouer sur la qualité sonore du micro

 
 

L’enduction en question

  1. La poix : la solution est souvent composée de paraffine* parfois mélangée à de la cire d’abeille. La paraffine est plus grossière lorsqu’elle est en fusion et plus souple après refroidissement. Elle est aussi nettement moins chère que la cire d’abeille.

    La cire d’abeille est plus dure à température ambiante et plus liquide une fois en fusion.

    Vous pouvez utiliser la paraffine seule. En sachant qu’un mix des deux peut être intéressant. Personnellement c’est ce que je préfère.

  2. Chauffe Marcel : Mettre la paraffine dans une casserole, la mettre sur le feu puis y rajouter les micros est définitivement une très mauvaise idée. Premièrement c’est dangereux parce qu’à une certaine température, comme vous le savez, la paraffine est hautement inflammable. Ensuite, vous aurez beaucoup de mal à contrôler la température et il y a fort à parier que l’isolant du fil rende l’âme à un moment ou à un autre.

    Le mieux est d’utiliser un pot chauffeur de colle capable de contrôler la température. Une température autour de 65°C est parfaite. Vous obtenez un mélange suffisamment liquide pour s’immiscer dans le moindre interstice tout en restant sans danger pour vous et pour la bobine.

  3. Le temps de plongée : chacun sa méthode. Si vous patientez plusieurs heures, il y a des chances que votre bobine ne soit pas enduite mais saturée de poix. Dans ce cas autant la mettre dans l’époxy comme j’ai pu voir parfois sur certains micros des années 80. Là c’est sûr, il n’y aura rien de microphonique. Mais le son sera un peu… comment dire ? Confiné… Et nous savons tous et toutes, à quel point le confinement… ce n’est pas génial !

    Personnellement je laisse tremper la bobine juste le temps de fixer le principal sans la noyer. J’ai mes points de repère et le résultat me convient. Microphonie minimale et timbre maximal.

* Note : Les paraffines sont des mélanges d'hydrocarbures purifiés obtenus à partir du pétrole, donc très inflammables. Sans danger lorsqu’elles sont sèches, on les trouve dans les crèmes, les produits hydratants, les traitements pour la peau, les pansements… et les bougies.

Comme son nom l’indique la cire d’abeille est une substance fabriquée par les abeilles. Elle leur sert dans la fabrication de leur nid. Elle est très utilisée en cosmétique et dans le domaine médical.

 
 

La microphonie… dans le fond, pourquoi pas ?

Après tout, la microphonie on peut très bien s’en accommoder. Si l’on joue chez soi pas très fort, en son clair, sans pédale de disto ni de fuzz. Et si on possède un jeu propre et qu’on ne frotte pas trop ni le micro ni le pickguard. Mais en répète ou sur scène, si l’on monte dans les tours et qu’on fait péter les watts, ça devient très compliqué à gérer. Ça risque d’hurler au Larsen et pas forcément avec musicalité.

Aussi, tant de contraintes pour un gain pratiquement nul (et je pense surtout au temps que l’on gagne en ne faisant pas cette opération), pour moi le jeu n’en vaut définitivement pas la chandelle.

 
 

Wax ou pas Wax ? Au final celui qui y gagne ne serait-il pas le facteur de micros lui-même ?

 
Fabrice MonnelCommentaire